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Je sais enfin où je suis.
Pour tous ceux qui ne comprennent pas cette image
et pourquoi elle me fait tant rêver.

Voilà bien longtemps qu'une image ne m'avait pas fait autant rêver.
Même s'il a fallu des siècles pour que l'homme accepte de ne pas être au centre du monde, tout le monde sait maintenant que la Terre (accompagnée de son petit satellite) tourne comme 7 autres planètes autour d'une étoile appelée Soleil.

L'ensemble constitue le Système solaire qui lui même n'est qu'un infime point dans un paquet de 200 à 400 milliards d'étoiles (avec elles-mêmes une bonne centaine de milliards de planètes qui tournent autour) qui a la forme d'une spirale est qui est notre galaxie : la bien aimée Voie lactée.

Que les égocentriques en ravalent leur salive : on n'est même pas au centre de notre galaxie ce qui est bienheureux car au centre, il y a un énorme trou noir supermassif.

Dans cette galaxie, nous n'habitons que dans la banlieue, en périphérie, incognito dans un des bras de la spirale galactique, à 28000 années lumières du centre.
Même si on croit s'endormir dans les bras de Morphée, nous sommes en fait dans bras d'Orion, ce dieu chasseur aussi beau que violent et que Zeus punit en le transformant en un tas d'étoiles (d'où la constellation qui porte son nom). Contentons-nous donc d'être dans son bras.
Comme l'entière galaxie tourne et qu'on est plutôt à la périphérie, il nous faut longtemps pour faire un tour, (même à 220 km /s). On estime que depuis la création de notre système solaire (4,6 milliards d'années) nous n'avons fait que 20 ou 21 tours autour du centre galactique.
Pas de quoi avoir le tournis.

Notre galaxie n'est seule : elle fait partie d'un paquet d'un quarantaine de galaxies que l'on appelle tout simplement le groupe local.
Dans ce groupe j'ai un faible pour la galaxie naine de la Machine pneumatique (située à gauche sur le schéma ci-contre). Avec ce nom-là, on pense aux dessins mécanographes de Picabia.
Mais non. Elle fut nommée en 1752 par le français Nicolas-Louis de Lacaille en l'honneur de Denis Papin, inventeur de la pompe à air (puis latinisée en 1763 sous le nom de Antlia Pneumatica)
Dommage. Et pourtant...



Notre groupe local comme son nom l'indique n'est pas seul. il fait partie d'une structure plus vaste qu'on appelle un amas de galaxies. Notre amas s'appelle l'amas de la Vierge. Il comporte entre 1200 et 2000 galaxies (dont la plus grande et la plus lumineuse est la galaxie géante M87, c'est-à-dire la 87ème inscrite sur la catalogue Messier). Et bien sûr les amas se regroupent en superamas (superclusters en anglais). Notre amas fait partie du superamas de la Vierge.
Pour éviter la confusion entre amas et super amas de la Vierge on peut dire aussi "superamas local" ( Virgo supercluster comme disent les anglophones).
Notre superamas ressemble un peu à ça :
Où cela devient encore plus étonnant et que s'ouvre la porte du rêve, c'est que dans l'univers les amas et superamas ne sont pas distribués n'importe comment mais forment des filaments le long desquels se répartissent les milliards de galaxies.
Quelques grands filaments ont déjà été nommés : le filament de la chevelure de Bérénice, le filament Persée-Pégase, le filament de la Grande Ourse... Certains filaments sont si longs en riches en galaxies amas ou superamas qu'on les appelle des grands murs (le Grand mur CfA2, le Grand mur de Sloan...) qui sont donc parmi les plus grandes structures connues de l'Univers.
À une échelle plus grande encore, il semblerait qu'il y ait une zone où la matière est distribuée de façon homogène. Cette zone a été nommée la Fin de l'immensité (End of Greatness, en anglais).

Cette photo, récemment diffusée en septembre a fait le tour du monde. Une équipe internationale (dont deux français, l'universitaire lyonnaise Hélène Courtois et Daniel Pomarède qui travaille au CEA) a en effet après 10 ans de travail et de mesures, pu montrer que certains amas ou superamas subissaient une variation de leur vitesse d'éloignement (on sait que l'univers est en expansion) et qu'ils semblaient attirés par un grand attracteur.
On pouvait ainsi délimiter une nouvelle sorte de territoire où tous les amas et superamas, subissent l'influence d'un même attracteur. Un peu comme sur la terre on peut délimiter des territoires (bassins) qui recueillent toute l'eau qui tombe ou qui coule des rivières d'une surface donnée.
Ce Territoire a été nommé Laniakea (« paradis incommensurable » ou « horizon céleste immense » en hawaïen).
Il contient outre notre superamas (de la Vierge), le superamas de l'Hydre et le superamas du Paon-Indien.
Nous sommes dans Laniakea avec toutes les galaxies qui convergent à la vitesse de 630 km par seconde vers le Grand Attracteur, à l'endroit du point rouge qui représente non pas notre planète mais notre galaxie, qui si on la ramenait à son échelle n'occuperait même pas la place d'un pixel.
Hélène Courtois en fait une très courte et bonne présentation sur cette vidéo qui permet de bien comprendre comment a été obtenue la photo qui me fait rêver :



Extase ! Pour peupler ce soir l'alcôve obscure
Des souvenirs dormant dans cette chevelure,
Je la veux agiter dans l'air comme un mouchoir !
(Baudelaire)